Fr : version française / En: english version
Longtemps les boues des villes ont été épandues afin d'amender les terres des cultures vivrières qui nourrissaient les citadins. Jusqu'à la complétude des réseaux d'assainissement, l'enlèvement des boues est une fonction vitale qui préoccupe tous les pouvoirs en place.
« Tu prétends donc que cet homme a eu deux pères, l'un cardeur et l'autre meunier. Cesse, ô roi, de parler si mal, car on n'a point ouï dire qu'un seul homme, si ce n'est en matière spirituelle, puisse avoir deux pères. »
Comme ces paroles excitaient le rire d'un grand nombre, un autre député dit : « Nous te disons adieu, ô roi ! Puisque tu ne veux pas rendre les cités de ton neveu, nous savons que la hache est entière qui a tranché la tête à tes frères ; elle te fera bientôt sauter la cervelle » ; et ils se retirèrent après ce bruyant débat.
A ces mots le roi, enflammé de colère, ordonna qu'on leur jetât à la tête pendant qu'ils se retiraient du fumier de cheval, des herbes pourries, de la paille, du foin pourri et la boue puante des rues de la ville. Couverts d'ordures, les députés se retirèrent, non sans essuyer un grand nombre d'injures et d'outrages.
Extrait de L'histoire des francs de Grégoire de Tours, VIème siècle.
De nombreux édits, règlements et contrats d'affermage tentent de résoudre ce problème... sans grand succès.
Ils enlèvent les immondices que le balai domestique pousse dans le coin des bornes ; mais ce balai est mou et insuffisant ; les boueurs écument la ville. Il faut de l'adresse pour passer vite entre leur pelle et leur tombereau. Si vous ne prenez pas bien votre temps, si votre élan manque de justesse, la pelle du boueur se verse dans votre poche.
Le tombereau voiture une boue liquide et noirâtre, dont les ondulations font peur à la vue ; elle s'échappe, et le tombereau entr'ouvert distribue en détail ce qu'il a reçu en gros. La pelle, le balai, l'homme, la voiture, les chevaux, tout est de la même couleur, et l'on dirait qu'ils aspirent à imprimer la même teinte sur tous ceux qui passent.
(...) La putridité morale accompagne pour ainsi dire l'infection des ruisseaux. Oh, si la pelle du boueur pouvait mettre dans le même tombereau toutes ces âmes de boue qui infestent la société, et les charrier hors de la ville, quelle heureuse découverte, et combien elle serait précieuse à la police !
(...) Le bourgeois tenu de balayer sa porte, ne la balaie pas ou la balaie lâchement. La police avait établi des balayeurs, à charge de faire payer à chaque maison une légère contribution : mais le bourgeois qui redoute la plus petite taxe, parce qu'il sait par expérience qu'elle ne fait que croître et embellir, s'est refusé au paiement. On attend sans doute que le bourgeois récalcitrant en ait jusqu'aux oreilles et qu'il crie. Alors il se soumettra de bonne grâce à la régie des balayeurs, qui me semblent de toute nécessité.
Extrait de Tableaux de Paris de Louis-Sébastien Mercier, 1783.
750 m3 d'ordures sont ramassées quotidiennement dans Paris en 1780. L'aménagement de fosses d'aisance est obligatoire depuis 1539 et quoique la loi impose à tous les propriétaires parisiens de raccorder leurs logements au tout-à-l'égout depuis 1894, cette photo montre que dans les années 30, on avait encore recours au service des vidangeurs !
Le jour s'est levé sur l'avenue alors que les chiftires titulaires de ce tronçon de voie prospectaient d'un crochet agile les dernières poubelles. Puis les balayeuses municipales sont passées, brossant les pavetons sous des cataractes d'eau. Et ç'a été le tour des Sita de surgir, voraces de rogatons que les boueux y enfournent, se grattant pas pour faire tinter les boîtes à ordures, déclenchant par leur potin l'apparition des pipelets venus récupérer leur matériel, et amenant dans les étages le rabat de quelques persiennes par des bonniches.
extrait de "Hotu soit qui mal y pense", chapitre IV, d'Albert Simonin, édition Série Noire, Gallimard