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Contrairement à la machine à vapeur, la combustion du moteur à explosion se trouve à l'intérieur même du cylindre-piston. Dérivé du cylindre à poudre de Huygens (1690), son application la plus emblématique est bien sûr la voiture automobile.
Je crois que l'automobile est aujourd'hui l'équivalent assez exact des grandes cathédrales gothiques : je veux dire une grande création d'époque, conçue passionnément par des artistes inconnus, consommée dans son image, sinon dans son usage, par un peuple entier qui s'approprie en elle un objet parfaitement magique (...)
Dans les halls d'exposition, la voiture témoin est visitée avec une application intense, amoureuse : c'est la grande phase tactile de la découverte, le moment où le merveilleux visuel va subir l'assaut raisonnant du toucher (car le toucher est le plus démystificateur de tous les sens, au contraire de la vue, qui est le plus magique) : les tôles, les joints sont touchés, les rembourrages palpés, les sièges essayés, les portes caressées, les coussins pelotés ; devant le volant, on mime la conduite avec tout le corps. L'objet est ici totalement prostitué, approprié : partie du ciel de Metropolis, la Déesse est en un quart d'heure médiatisée, accomplissant dans cet exorcisme, le mouvement même de la promotion petite-bourgeoise.
Roland Barthes : « La nouvelle Citroën » in Mythologies (1957)
Jamais un engin manufacturé n'a été l'objet d'un tel culte, n'a fait l'objet d'autant de brevets (100 000), n'a représenté autant d'intérêts socio-économiques (plus de 8 millions d'emplois directs dans le monde, 70 millions de véhicules construits en 2008).
L'automobile est adulée et accusée de tous les maux à la fois : pollution, individualisme, mortalité...
La puissance mythologique de la voiture se mesure à l'aune de ses sobriquets : tire, caisse, char (au Québec), chignole, bagnole, guimbarde, tacot.