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Aller au feu, c'est partir au front : le feu symbolise la guerre car il provoque les mêmes terreurs. Du reste, l'incendie fait partie de l'arsenal trop commun des armées de toutes les époques, en tant qu'arme offensive comme défensive (la politique de la terre brûlée).
Brusquement, devant nous, sur toute la largeur de la descente, de sombres flammes s'élancent en frappant l'air de détonations épouvantables. En ligne, de gauche à droite, des fusants sortent du ciel, des explosifs sortent de la terre. C'est un effroyable rideau qui nous sépare du monde, nous sépare du passé et de l'avenir. On s'arrête, plantés au sol, stupéfiés par la nuée soudaine qui tonne de toutes parts ; puis un effort simultané soulève notre masse et la rejette en avant, très vite. On trébuche, on se retient les uns aux autres, dans de grands flots de fumée. On voit, avec de stridents fracas et des cyclones de terre pulvérisée, vers le fond, où nous nous précipitons pêle-mêle, s'ouvrir des cratères ça et là, à côté les uns des autres, les uns dans les autres. Puis on ne sait plus où tombent les décharges. Des rafales se déchaînent si monstrueusement retentissantes qu'on se sent annihilé par le seul bruit de ces averses de tonnerre, de ces grandes étoiles de débris qui se forment en l'air. On voit, on sent passer près de sa tête des éclats avec leur cri de fer rouge dans l'eau. D'un coup, je lâche mon fusil tellement le souffle d'une explosion m'a brûlé les mains. Je le ramasse en chancelant et repars tête baissée dans la tempête à lueurs fauves, dans la pluie écrasante des laves, cinglé par des jets de poussière et de suie.
Le Feu, Henri Barbusse (prix Goncourt 1916)
Le feu grégeois des byzantins terrorisait les barbares, les villes conquises étaient fréquemment incendiées ; armes à feu, grenades, lance-flammes, bombes incendiaires, napalm : le genre humain montre un acharnement créatif qui ne lasse pas d'étonner pour faire griller son prochain !