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Puissant et immatériel

Puissant et immatériel

Sur la terre comme au ciel

Sur la terre comme au ciel

Dompter le feu

Dompter le feu

La guerre du feu

La guerre du feu

Le cru et le cuit

Le cru et le cuit

Rôtir, frire, griller, bouillir, braiser...

Rôtir, frire, griller, bouillir, braiser...

Les arts ménagers

Les arts ménagers

En hiver, du feu, du feu !

En hiver, du feu, du feu !

Chauffer l'atelier de l'artiste

Chauffer l'atelier de l'artiste

Faire feu de tout bois !

Faire feu de tout bois !

De l'alcarazas au frigo

De l'alcarazas au frigo

L'alchimie

L'alchimie

Les forges de Vulcain

Les forges de Vulcain

Magie de la transparence

Magie de la transparence

Le lustre du candélabre

Le lustre du candélabre

La fée électricité

La fée électricité

Citylights

Citylights

Le cheval-vapeur

Le cheval-vapeur

Boum !

Boum !

3,2,1... mise à feu

3,2,1... mise à feu

Peur sur la ville

Peur sur la ville

Le feu de la guerre

Le feu de la guerre

Autodafés

Autodafés

Fais-moi un signe

Fais-moi un signe

Bûchers et sorcières

Bûchers et sorcières

Partir en fumée

Partir en fumée

Les feux de la Saint-Jean

Les feux de la Saint-Jean

À la manière d'un grand soleil...

À la manière d'un grand soleil...

Bouquet final

Bouquet final

Rôtir, frire, griller, bouillir, braiser...

Griller et rôtir ont ouvert le bal d'une lente évolution de l'art gastronomique : les aliments sont en contact direct avec la flamme qui carbonise leur surface et cuit l'aliment à cœur. Le premier raffinement vient de l'idée d'utiliser un intermédiaire entre la chaleur et l'aliment, comme l'eau ou un corps gras pour bouillir ou frire.

Leçon de friture

Les liquides que vous exposez à l'action du feu, ne peuvent pas tous se charger d'une égale quantité de chaleur ; la nature les y a disposés inégalement : c'est un ordre de choses dont elle s'est réservé le secret, et que nous appelons capacité du calorique.

Ainsi, vous pourriez tremper impunément votre doigt dans l'esprit de vin bouillant ; vous le retireriez bien vite de l'eau de vie, plus vite encore, si c'était de l'eau ; et une immersion rapide dans l'huile bouillante vous ferait une blessure cruelle, car l'huile peut s'échauffer au moins trois fois plus que l'eau.

C'est par une suite de cette disposition, que les liquides chauds agissent d'une manière différente sur les corps sapides qui y sont plongés. Ceux qui sont traités à l'eau, se ramollissent, se dissolvent et se réduisent en bouillie ; il en provient du bouillon, ou des extraits : ceux au contraire, qui sont traités à l'huile, se resserrent, se colorent d'une manière plus ou moins foncée, et finissent par se charbonner.

Dans le premier cas, l'eau dissout et entraîne les sucs intérieurs des aliments qui y sont plongés ; dans le second, ces sucs sont conservés, parce que l'huile ne peut pas les dissoudre ; et si ces corps se dessèchent, c'est que la continuation de la chaleur finit par en vaporiser les parties humides.

Les deux méthodes ont aussi des noms différents ; et on appelle frire, l'action de faire bouillir, dans l'huile ou la graisse, des corps destinés à être mangés. Je crois déjà vous avoir dit que, sous le rapport officinal, huile ou graisse sont à peu près synonymes, la graisse n'étant qu'une huile concrète, ou l'huile une graisse liquide.

Les choses frites sont bien reçues dans les festins ; elles y introduisent une variation piquante ; elles sont agréables à la vue, conservent leur goût primitif, et peuvent se manger à la main : ce qui plaît toujours aux dames.

La friture fournit encore aux cuisiniers bien des moyens pour masquer ce qui a paru la veille, et leur donne au besoin des secours pour les cas imprévus : car il ne faut pas plus de temps pour frire une carpe de quatre livres, que pour cuire un œuf à la coque.

Tout le mérite d'une bonne friture provient de la surprise : c'est ainsi qu'on appelle l'invasion du liquide bouillant, qui carbonise ou roussit, à l'instant même de l'immersion, la surface extérieure du corps qui lui est soumis.

Au moyen de la surprise, il se forme une espèce de voûte qui contient l'objet, empêche la graisse de le pénétrer, et concentre les sucs, qui subissent ainsi une coction intérieure, qui donne à l'aliment tout le goût dont il est susceptible.

Pour que la surprise ait lieu, il faut que le liquide bouillant ait acquis assez de chaleur pour que son action soit brusque et instantanée ; mais il n'arrive à ce point qu'après avoir été exposé assez longtemps à un feu vif et flamboyant.

On connaît, par le moyen suivant, que la friture est chaude au désiré : vous couperez un morceau de pain en forme de mouillette, et vous le trempez dans la poêle pendant cinq à six secondes ; si vous le retirez ferme et coloré, opérez immédiatement l'immersion ; sinon il faut pousser le feu et recommencer l'essai.

Extrait de « la physiologie du goût » de Jean Anthelme Brillat-Savarin, 1826

Ces différents modes opératoires sont combinables à l'infini, selon la matière et la forme des récipients utilisés (ainsi « recette » se dit « recipe » en anglais) et le contrôle toujours plus précis de la température de cuisson. Mais il n'est pas seulement question d'alimentation ou de saveurs car le plus ou moins grand faste des repas est un marqueur social patent.

Intérieur d'une cuisine, huile sur toile de Carlo Antonio Crespi
Intérieur d'une cuisine

Plutôt que de représenter le festin qui se déroule à l'étage, Crespi nous montre l'intérieur des cuisines et notamment la préparation des viandes qui sont à l'époque longuement bouillies ou rôties.

Atypique, cette représentation du travail domestique témoigne de l'influence du père de l'artiste. Giuseppe Maria Crespi fut en effet l'un des premiers peintres de renom à oser représenter des scènes de la vie quotidienne, genre jusqu'alors réservé aux artistes mineurs.

Carlo Antonio Crespi

Antonio Crespi, né à Bologne au début du XVIIIe siècle, est l'un des quatre fils du grand peintre bolognais Giuseppe Maria Crespi, auprès de qui il se forme.

Moins doué que ce dernier ou que son frère Luigi qui sera un peintre et écrivain reconnu, Antonio fait sa carrière en réalisant des oeuvres religieuses pour sa ville natale.

© Dist RMN / Georges Tatge