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La ville est fantasme politique mais aussi occasion d'une grande inventivité technologique. Le génial Léonard de Vinci ne pouvait manquer de s'y intéresser.
François 1er, en projetant de faire de Romorantin, petite commune du Loir-et-Cher, la capitale du Royaume, lui en donne l'occasion. L'artiste propose à son mécène un arsenal technologique dont nos villes modernes n'auraient pas à rougir : circulation à double niveau, système d'évacuation des déchets, et même liaisons européennes expresses - grâce à un réseau de canaux astucieusement dessiné.
« Et sache que si quelqu'un voulait parcourir la ville en utilisant uniquement les rues hautes, il pourrait le faire commodément; et de même celui qui voudrait circuler en ne prenant que les basses.
Dans les rues hautes ne doivent passer ni chariots, ni autres véhicules semblables : ces rues ne servent qu'aux personnes de qualité. Dans les rues basses passeront les chariots et autres transports destinés à l'usage et commodités du peuple. »
Annotation de Léonard de Vinci en marge de son croquis.
Certains dispositifs sont fort proches de nos villes contemporaines, attestant que le rêve impossible d'un jour peut devenir, progrès technique aidant, la solution technique de demain.
Faire de Romorantin la capitale rêvée constitue un défi pour le maître toscan. Une trentaine d'années auparavant, il avait déjà dessiné pour Ludovic le More les plans d'une ville idéale dont les guerres d'Italie avaient fait avorter la réalisation. (... ) La ville de Romorantin, devait faire large place aux voies d'eau car Léonard pensait tous ses projets urbanistiques en termes de flux : flux d'hommes hiérarchiquement canalisés sous de vastes colonnades entre étages nobles et étages roturiers, flux de marchandises et de provisions, vidanges de déchets, circulation des odeurs. Le plan d'écuries qui furent pensées peut-être pour Romorantin renforce l'idée qu'à toute les échelles de conception, cette pensée du mouvement était à l'œuvre : l'auteur y envisage en effet non seulement des machines pour élever le foin dans le grenier afin de distribuer celui-ci par des tuyaux étroits dans les mangeoires, ainsi que des systèmes de nettoyage automatique.
Extrait de « Sur les traces de Léonard de Vinci sur les bords de Loire et de Saône » par Pascal Brioist, Maître de Conférence à l'Université de Tour.