La collecte du biffin
C'est la démocratisation de l'imprimé qui fait la fortune du chiffonnier : l'industrie papetière a besoin de toujours plus de chiffons. Coton et lin sont très recherchés.
Dès le XVIIIème siècle on taxe l'exportation de chiffons et on l'interdit même au XIXème siècle !
L'autre trésor de la rue, c'est l'os, car ses usages sont multiples : on en extrait le « charbon animal », utilisé pour le raffinage du sucre de betterave dont la production explose, on en fait des boutons, des peignes et des manches de couteau, il entre dans la composition de la gélatine et des colles, il est utilisé comme engrais ; enfin, on en extrait le phosphate pour la fabrication des allumettes.
Mais le chiffonnier récolte aussi le verre, le liège, tous les métaux, le cuir et même le pain !
Presque toutes les petites industries non classées dans le dictionnaire sont une conquête de l'imagination excitée par les tiraillements de l'estomac. Le premier qui ramassa sur la voie publique un bout de cigare, puis deux, puis trois, et, après avoir haché le tout, vendit cette chose composite comme du tabac à fumer, n'adopta pas, de propos délibéré, cette profession inédite comme on se fait administrateur ou concierge. C'est l'occasion, l'herbe tendre, le besoin de manger qui le jetèrent dans la carrière.
Il fit ensuite ce raisonnement fondé sur la statistique : il se fume, par jour, à Paris, au moins trois cent mille cigares ;
il doit donc y avoir, quelque part, surtout sous les tables extérieures des cafés des boulevards, trois cent mille résidus. Alors l'horizon s'ouvrit ; il entrevit une exploitation en grand, prit des associés, et voilà un fabricant de plus, un fabricant de nicotine prohibée !
Les petites industries d'Edmond Texier in Paris-Guide / par les principaux écrivains et artistes de la France, 1863.