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Edouard Manet
1869
194 x 130 cm
Huile sur toile
Norton Simon Museum, Pasadena, USA
© The Norton Simon Foundation
Cette œuvre est exposée dans Les chiffonniers
Le Chiffonnier (1869) appartient à la période naturaliste de Manet.
Il est peint dix ans après Le Buveur d'absinthe (1859), qui valut à l'artiste son premier refus au Salon, et qui représentait lui aussi un chiffonnier alcoolique en chapeau haut-de-forme. Celui-ci, coiffé d'un chapeau melon, apparaît avec sa barbe blanche un peu plus philosophe que le premier - une vision romantique montre alors le chiffonnier comme un homme libre, travaillant quand il le veut.
On peut voir dans l'homme de 69 une forme d'hommage à Baudelaire, l'ivrogne-poète-philosophe ami de Manet mort deux ans plus tôt.
Quoi qu'il en soit, le style est ici encore influencé par Vélazquez, en particulier par Le Menippe, dont le chiffonnier français est le sosie. Manet adorait la peinture de Velazquez, c'est vrai, mais Napoléon III venant d'épouser une belle ibérique, l'Espagne était à la mode, et le Français avait soif de réussite et de reconnaissance.
Mais le naturalisme de sa peinture choque encore le public - et enthousiasme, bien sûr, Emile Zola, qui défend Manet au Salon de 1866, devient son ami, et se fait portraiturer par lui en 1868.
Auguste Manet, le père, était haut fonctionnaire au ministère de la justice.
La mère, née Fournier, était la fille d'un diplomate. C'est dans cet univers bourgeois, au 5 de la rue Bonaparte, que naît Edouard Manet, le 23 janvier 1932. Il sera un piètre élève, effronté, passant son temps à caricaturer ses professeurs. Auguste voulait que son fils étudie le droit, le fils choisit la marine, s'embarque à 16 ans sur un bateau-école à destination du Brésil, mais rate à son retour l'entrée à l'Ecole navale. Il sera donc peintre.
En 1849, Manet entre dans l'atelier de Thomas Couture. Il y reste six ans, durant lesquels il apprend, copie au Louvre (Titien, Rubens), voyage (Hollande, Italie, Allemagne, Europe centrale), et ne parvient pas à convaincre son maître. Il expose son premier tableau au Salon de 1859 :
Le Buveur d'absinthe, influencé par Velazquez dont Manet écrira, dans une lettre envoyée à Baudelaire, qu'il est le plus grand peintre qu'il y ait eu.
Ce sera le premier camouflet : le tableau est refusé à cause de sa trivialité (le naturalisme) et de son manque de finition.
Le second camouflet est un véritable scandale : en 1863, Manet expose trois œuvres au Salon des Refusés, deux espagnolades et le fameux Déjeuner sur l'herbe. La crudité, la violence des couleurs, l'obscénité du sujet, tout concourt à rendre le tableau insupportable à son époque.
Deux ans plus tard, il recommence en exposant une œuvre volontairement provocatrice, l'Olympia, mais qui provoque un tel tollé que le peintre en est touché. La reconnaissance vient une dizaine d'années plus tard : Durand-Ruel vend enfin ses tableaux. Vénéré par les jeunes peintres impressionnistes, Manet accompagne ces derniers sur le motif et peint en plein air. Mais à partir de 1876, atteint d'une grave maladie neuromusculaire, il ne quitte plus son atelier. Souffrant atrocement, il peint sa dernière grande œuvre en 1882 (Le Bar des Folies Bergères), est amputé du pied gauche le 19 avril 1883, et meurt le 30 avril après une agonie que Berthe Morisot, sa belle-sœur, qualifie d'épouvantable.