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Georges Brassens
1954
3 min 01' s
© Mercury/Universal
Cette œuvre est exposée dans Le feu
Sortie en 1955, cette chanson est l'une des plus connues de Georges Brassens, chantée dans les écoles, sifflée ou fredonnée dans la rue. Il s'agit presque d'une commande, en tout cas morale, puisqu'elle est le fruit de la rencontre, au cours du terrible hiver 54, entre l'artiste et l'abbé Pierre, fondateur d'Emmaüs. Ecrite sous la forme d'une fable, répétitive à la manière d'une comptine, les enfants l'adorent, elle met en scène un pauvre hère, on parlerait aujourd'hui de marginal, rejeté par ceux qui ont tout et réconforté par ceux qui n'ont rien ! Les bons, les vrais généreux partageant le peu qu'ils possèdent : le pain, le feu, un sourire, en endossant les costumes de l'Auvergnat, de l'Hôtesse et de l'étranger. Les méchants, les faux généreux se cachent eux, derrière « les croquantes et les croquants ».
La presque naïveté de l'œuvre, voire son manichéisme, lui permettent néanmoins de toucher sa cible : l'égoïsme, l'indifférence à la souffrance de l'autre. Et elle y parvient, en plus des mots simples et directs, grâce à la magie d'une mélodie immédiatement mémorisable, intemporelle...
Auteur, compositeur et interprète français, né à Sète le 21 octobre 1921. Le petit Georges grandit au sein d'une famille nombreuse italo-française : une enfance heureuse, très tôt bercée de musique, chansons françaises et jazz y occupant une place de choix. Peu intéressé par l'école mais lecteur de plus en plus avide, le jeune Brassens se lance dans l'écriture, notamment de poèmes, à l'âge de 14 ans. Un épisode douloureux de sa jeune vie va lui offrir l'opportunité de quitter son Hérault natal pour la capitale : un séjour en prison pour vol... aventure dont il tirera plus tard deux chansons : « la mauvaise réputation » et « les quatre bacheliers ». Ouvrier le jour chez Renault, s'essayant au piano le soir chez sa logeuse de tante, il se plonge de plus en plus goulûment dans la découverte de Fort, Rimbaud et Villon et publie en 1942, un premier recueil de poèmes. La guerre, le S.T.O. en Allemagne... les années passent, pas toujours insouciantes. Quelques piges aussi pour « Le Libertaire » revue anarchiste...
Des rencontres vont alors forger le destin de cet artiste non encore révélé : Jeanne Le Bonnier, « La Jeanne », Püppchen, compagne de toute sa vie, René Fallet, l'ami fidèle, Patachou qui le poussera à affronter le public et lui fera rencontrer Pierre Nicolas qui deviendra son complice contrebassiste (et la contrebasse chez Brassens ça compte !). C'est Jacques Canetti, depuis son antre des « trois baudets », qui accélèrera le lancement de sa carrière. Le succès est enfin là, le public aussi, les salles grandissent (Bobino, Olympia), les tournées s'enchaînent et les récompenses affluent (grand prix de l'académie Charles Cros) : on est en 1954. Dès lors les disques, enregistrés souvent à la maison, vont se succéder, remportant l'adhésion populaire et celle des professionnels ! Parmi ce qu'on nommerait aujourd'hui ses tubes, citons : le gorille, la mauvaise réputation, le petit cheval, la chanson pour l'Auvergnat, les amoureux des bancs publics, les copains d'abord, la supplique pour être enterré sur la plage de Sète... Chacun des 14 albums qu'il enregistra, soit plus de 200 chansons, recèle plusieurs pépites moins connues.
Jusqu'à sa disparition en 1981, il composa une œuvre d'une richesse et d'une originalité rares, inscrite au patrimoine de la chanson française. Une écriture évidemment poétique par l'exigence des rimes, la rigueur du rythme, l'inventivité des images, son originalité, sa maîtrise lexicale... mais aussi remarquable par sa verdeur jamais vulgaire, ses jeux de mots, allitérations et consonances qui nous rappellent qu'il était l'ami bienveillant d'un certain Boby Lapointe ! En douce, Brassens aborda de grands thèmes sociétaux comme la peine de mort, le pacifisme, les préjugés, l'autorité, la religion, le mariage... Et sa musique que l'on pourrait hâtivement taxer de pépère, voire répétitive, offre à celui qui la mérite des merveilles mélodiques, des trouvailles rythmiques qui épatent encore aujourd'hui la nouvelle génération de compositeurs.